Le Christ vie de l’âme

À la veille de la guerre 1914-1918, l’Église avait trouvé en Dom Chautard un grand apôtre de la vie intérieure

TOLLE, LEGE : PRENDS ET LIS !

À la veille de la guerre 1914-1918, l’Église avait trouvé en Dom Chautard un grand apôtre de la vie intérieure. En 1918 apparaît un autre maître de vie spirituelle : Dom Columba Marmion. Né à Dublin en 1858, de père irlandais et de mère française, il est ordonné prêtre en 1881. En 1886, il se fait moine bénédictin en Belgique à l’abbaye de Maredsous, dont il deviendra abbé en 1909.

En 1918 paraît son premier livre Le Christ vie de l’âme (200 000 exemplaires, 500 000 avec les traductions) ; en 1919, Le Christ dans ses mystères (145 000 exemplaires) ; en 1922, Le Christ idéal du moine (90 000 exemplaires). Ses essais représentent le fruit de son enseignement et de sa direction spirituelle. Plusieurs de ses moines travaillent sous sa direction à leur rédaction définitive.

À sa mort en 1923, l’équipe qui travaillait jusque-là sous son autorité poursuit la publication sous la conduite de Dom Raymond Thibaut, faisant connaître sa vie et sa pensée, notamment par le remarquable ouvrage Un maître de la vie spirituelle. Dom Columba Marmion, abbé de Maredsous (1938) et par L’union à Dieu dans le Christ, d’après les lettres de direction de Dom Marmion (1948).

À cette date, 625 000 ouvrages ont été vendus en français sous le nom de Dom Marmion. Pourquoi un tel succès ? Parce que le moine bénédictin a fait brusquement pénétrer un grand courant de fraîcheur et de franche doctrine dans une atmosphère polluée par les reniements du modernisme et les aigreurs de la réaction antimoderniste. Sans jamais tomber dans la vulgarisation outrancière, le Père Abbé clarifie les grandes vérités et les explique inlassablement et avec un rare talent.

Il excelle à simplifier la vie spirituelle. Avant lui, bien des auteurs faisaient souvent passer les moyens avant le but. Or il y a un risque grave de fausser la spiritualité si, oubliant de mettre l’accent sur l’essentiel, on tend à la réduire à une lutte personnelle contre ses faiblesses et ses défauts. Dom Columba Marmion (béatifié en l’an 2000) le remarque avec tristesse : « Parmi les âmes qui cherchent Dieu, il s’en rencontre qui n’arrivent à lui qu’avec peine. Les unes n’ont aucune idée précise de ce qu’est la sainteté ; ignorant ou laissant de côté le plan tracé par la Sagesse éternelle, elles font consister la sainteté dans telle ou telle conception issue de leur propre intelligence ; elles veulent se conduire uniquement elles-mêmes et, s’attachant aux idées purement humaines qu’elles se sont forgées, elles s’égarent… Les autres n’ayant aucune vue synthétique, piétinent souvent sur place ; leur vie devient un labeur sans élan, sans épanouissement et souvent sans grand résultat… »

Dom Marmion a l’art de tout ramener au Christ, à la vie du Christ en nous. Il est intimement convaincu d’être enfant du Père céleste par Jésus-Christ. Cette conviction commande tous ses actes et inspire tout son enseignement. Aussi en parle-t-il avec des accents que l’on n’avait pas entendus depuis longtemps et se montre-t-il extrêmement persuasif. La vie de Dieu nous est donnée au baptême, comme un petit germe. C’est en ce sens qu’il faut comprendre le passage du prologue de l’Évangile de saint Jean : « Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu… » Travailler à faire grandir ce germe de la vie de Jésus en nous : voilà le labeur de la vie intérieure. Il faut qu’il croisse et que nous diminuions. C’est l’unique nécessaire, la meilleure part que nous sommes invités à choisir. Quel dommage de passer à côté !