Sous le regard de Dieu : initiation à la vie intérieure

Un livre peut changer toute une vie : ce fut le cas pour Paul Bélorgey
TOLLE, LEGE : PRENDS ET LIS !
Un livre peut changer toute une vie: ce fut le cas pour Paul Bélorgey (1880-1964). Ayant cessé presque toute pratique religieuse pendant ses études de vétérinaire et ses quatre années à l’école de cavalerie à Saumur, celui-ci lit « par hasard » Du diable à Dieu, l’histoire de la conversion de l’anarchiste Adolphe Retté.
Ce livre ébranle son indifférence pratique quand il réalise qu’il se trouve… entre les mains du diable, et qu’il s’agirait peut-être de revenir du côté de Dieu. Il lit alors le témoignage du Frère Gabriel Mossier : Du champ de bataille à la Trappe, et apprend de cet autre converti à parler familièrement avec la Très Sainte Vierge. Emmené peu après à une adoration du Saint-Sacrement, il se confesse et se sent porté à entrer à la Trappe, priant Notre-Dame de lui envoyer un trappiste pour l’orienter dans son choix. Le lendemain, il rencontre « par hasard » un moine de Scourmont (Chimay) et rejoint ce monastère de trappistes exilés en Belgique.
Après bien des épreuves, Paul, qui a reçu en religion le nom de Frère Godefroid, devient un homme de grande vie intérieure grâce à la conduite ferme et douce d’un spirituel de haut vol, son maître des novices puis abbé, Dom Anselme Le Bail, lequel le nommera maître des novices et prieur (1919-1932). Après cette première responsabilité, où il fait merveille, il devient abbé de Cîteaux (de 1932 à 1952). Très humain (avec un petit côté militaire dans la prise de décision), sa sympathie et sa vie spirituelle rayonnantes donnent à Cîteaux un développement stupéfiant. La brochure descriptive qui paraît alors — Cîteaux chante sa joie — donne une juste idée du climat que fait régner Dom Bélorgey. Il y améliore la qualité de l’alimentation et des conditions de travail, mais donne surtout une âme aux observances trappistes. Sa seule passion est en effet de voir s’affermir dans les âmes l’intimité avec Dieu : «Si au bout de deux ans de noviciat, vous ne gardez pas une habituelle et confuse présence de Dieu, vous aurez perdu votre noviciat…»
Prédicateur de retraite enthousiaste, persuadé de la valeur de son expérience spirituelle et désireux de la faire partager, ce Père Abbé grand et solide (la stature d’un cuirassier !) avec son petit visage au nez aquilin et son regard tranquille, envoûtant comme celui d’un oiseau de proie, provoqua parfois des syncopes chez certaines moniales… Stylé, brillant, souriant, il enseignait le tout de Dieu dans le dépassement de soi.
Père immédiat de la communauté de moniales d’Igny, il y fut accueilli avec enthousiasme : son enseignement libérait les âmes d’un esprit trop centré sur les observances, pour les ramener à l’unique essentiel, la vie d’union à Dieu. N’en retenons qu’un seul exemple : celui d’une converse bretonne, Céline Favé (45 ans). En entendant les instructions du Père Abbé, elle fut bouleversée et elle disait : «Je n’ai pas aimé le Bon Dieu. Je travaillais, mais ce n’était pas pour Dieu.» Et pendant un mois, elle pleura jour et nuit. Puis les larmes firent place à une joie indéfectible. Elle n’avait plus qu’un seul désir : «apprendre à aimer le Bon Dieu». Et tout lui parlait de Jésus : elle était devenue une vraie mystique…
La lecture des petits livres de Dom Bélorgey a continué à produire chez beaucoup une semblable conversion. Le plus apprécié fut certainement Sous le regard de Dieu: initiation à la vie intérieure (récemment réédité). Le titre exprime toute la conviction que l’auteur cherche à y faire passer : nous voir rester unis à Dieu toute la journée, «conservant la pensée de sa présence et tournant, par de fréquentes élévations, nos cœurs et nos regards vers lui» (saint Charles de Foucauld).
Sous le regard de Dieu apprend à réaliser concrètement un tel objectif. On ne se lasse pas de le lire et de le relire, avec l’intime conviction qu’il y va de la valeur réelle de toute notre vie.