Fête de la Transfiguration de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Évangile selon saint Matthieu (17, 1-9)
En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, son frère, et les emmena à l’écart sur une haute montagne. Alors il fut transfiguré devant eux ; son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la neige. Et voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : « Seigneur, il nous est bon d’être ici ; si tu veux, je vais y dresser trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » Il parlait encore, quand une nuée lumineuse les prit sous son ombre, et une voix dit, de la nuée : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; il a tout mon amour : écoutez-le. » À ces mots, les disciples tombèrent la face contre terre et furent saisis d’une grande frayeur. Mais Jésus, s’approchant, les toucha et leur dit : « Relevez-vous ; soyez sans crainte. » Levant alors les yeux, ils ne virent plus que Jésus, seul. Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur fit cette défense : « Ne parlez à personne de ce que vous avez vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »
Autrefois Dieu avait établi l’homme en union avec sa propre grâce. Quand il a insufflé l’esprit de vie au nouvel homme formé de terre, quand il lui a communiqué ce qu’il avait de meilleur, il l’a honoré de sa propre image et ressemblance (Gn 1, 27). Il lui a donné l’Eden comme demeure et a fait de lui le frère intime des anges. Mais puisque nous avions obscurci et fait disparaître l’image divine sous la boue de nos désirs déréglés, le Compatissant est entré dans une seconde communion avec nous, beaucoup plus sûre et plus extraordinaire que la première. Tout en demeurant dans l’élévation de sa divinité, il accepte aussi ce qui est en dessous de lui, créant en lui-même l’humain ; il mêle l’archétype à l’image, et aujourd’hui il montre en elle sa propre beauté.
Son visage resplendit comme le soleil, car dans sa divinité il est identifié avec la lumière immatérielle ; c’est pour cela qu’il est devenu le Soleil de justice (Ml 3, 20). Mais ses vêtements deviennent blancs comme la neige, car ils reçoivent la gloire par revêtement et non par union, par relation et non par nature. Et « une nuée de lumière les couvrit de son ombre », rendant sensible le resplendissement de l’Esprit.
« Jésus prit Pierre, Jacques et Jean son frère » et, les ayant amenés sur une haute montagne, il leur manifesta l’éclat de sa gloire. Car, même s’ils avaient compris que la majesté de Dieu résidait en lui, ils ignoraient que son corps, qui voilait sa divinité, avait part à la puissance de Dieu. Voilà pourquoi le Seigneur avait promis expressément, peu de jours auparavant, que parmi ses disciples « quelques-uns ici présents ne goûteront pas la mort avant de voir le Fils de l’homme venir dans son Royaume » (Mt 16, 28), c’est-à-dire dans l’éclat royal qui convenait spécialement à la nature humaine qu’il avait prise.
Cette transfiguration avait d’abord pour but d’enlever du cœur des disciples le scandale de la croix, pour que l’humilité de la Passion volontairement subie ne trouble pas la foi de ceux qui auraient vu la grandeur de la dignité cachée. Mais, par une même prévoyance, la transfiguration établissait dans l’Église de Jésus l’espérance destinée à la soutenir, en sorte que les membres du Corps du Christ comprennent quel changement s’opérerait un jour en eux, puisqu’ils étaient appelés à participer à la gloire qu’ils avaient vu resplendir dans leur Chef, dans leur tête.
À ce sujet, le Seigneur lui-même avait dit, parlant de la majesté de son avènement : « Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père » (Mt 13, 43). Et l’apôtre Paul affirme la même chose quand il dit : « J’estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer avec la gloire qui doit se révéler en nous » (Rm 8, 18). Et dans un autre passage : « Car vous êtes morts et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu ; quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire » (Col 3, 3-4).