Mois de Marie


Ballade pour prier Notre Dame
Dame du ciel, régente terrienne,
Empériére des infernaux palus,
Recevez moi, vostre humble chrétienne,
Que comprise sois entre vos élus,
Ce non obstant qu’oncques rien ne valus.
Les biens de vous, ma Dame et ma Maîtresse,
Sont trop plus grands que ne suis pécheresse (1),
Sans lesquels biens âme ne peut mérir (2)
D’avoir les cieulx, je n’en suis jengleresse (3)
En cette foy je veux vivre et mourir.
A vostre Fils dites que je suis sienne ;
De lui soient mes péchés absolus
Pardonne moy comme à l’Égyptienne,
Ou comme il fit au clerc Theophilus,
Lequel par vous fut quitte et absolus,
Combien qu’il eût au diable fait promesse.
Préservez moy de faire jamais ce,
Vierge portant, sans rompure encourir (4)
Le sacrement qu’on célèbre à la messe.
En cette foy je veux vivre et mourir.
Femme je suis povrette et ancienne,
Qui rien ne say ; oncques lettres ne lus.
Au moustier voy, dont suis paroissienne,
Paradis peint où sont harpes et luths
Et un enfer où damnés sont boullus
L’un me fait peur, l’autre joye et liesse.
La joie avoir me fay, haute Déesse (5),
A qui pécheurs doivent tous recourir,
Comblés de foy, sans feinte ni paresse.
En cette foy je veux vivre et mourir.
Vous portastes, Vierge, digne princesse,
Jésus régnant qui n’a ni fin ni cesse
Le Tout Puissant, prenant notre faiblesse,
Laissa les cieulx (6) et nous vint secourir,
Offrit à mort sa très chère jeunesse
Nostre Seigneur tel est, tel le confesse.
En cette foy je veux vivre et mourir.
(1) Une idée familière aux chrétiens et bien faite pour éveiller leur confiance : la bonté de la sainte Vierge est plus grande que notre malice.
(2) Mériter.
(3) « Je m’en porte garant. »
(4) En un sens très profond, Marie a porté, sans qu’il soit fait atteinte à sa virginité, Celui qui est offert en sacrement à la messe.
(5) L’expression, nullement choquante à l’époque, serait imprononçable aujourd’hui, après quatre siècles de malveillance protestante.
(6) Expression permise en image.