Onzième dimanche après la Pentecôte
Évangile selon saint Marc 7, 31-37
En ce temps-là, quittant le pays de Tyr, Jésus se dirigea par Sidon vers la mer de Galilée, en plein territoire de Décapole. On lui amène alors un sourd-bègue, et on le prie de lui imposer la main. Le prenant à part, hors de la foule, Jésus lui mit ses doigts dans les oreilles et lui toucha la langue avec sa salive ; puis, levant les yeux au ciel, il poussa un soupir : « Ephphetha ! » lui dit-il, c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! » Ses oreilles s’ouvrirent, le lien de sa langue se dénoua aussitôt, et il parlait normalement. Jésus leur recommanda de n’en rien dire à personne ; mais plus il le recommandait, et plus ils le proclamaient. Les gens étaient au comble de l’admiration : « Décidément, disaient-ils, il a bien fait toutes choses ! Il fait entendre les sourds et parler les muets ! »
Il nous faut examiner de près ce qui rend l’homme sourd. Pour avoir prêté l’oreille aux insinuations de l’Ennemi, pour avoir entendu ses paroles, le premier couple de nos ancêtres sont devenus sourds les premiers. Et nous aussi après eux, en sorte que nous ne pouvons plus ni entendre ni comprendre les inspirations aimables du Verbe éternel. Pourtant nous savons bien que le Verbe éternel est au fond de notre être, si ineffablement près de nous et en nous que notre être même, notre propre nature, nos pensées, tout ce que nous pouvons nommer, dire ou comprendre, tout cela n’est pas si près de nous et ne nous est pas si intimement présent que ne l’est le Verbe éternel. Et ce Verbe parle sans cesse en l’homme. Mais l’homme n’entend pas tout cela à cause de la grande surdité dont il est atteint… Du même coup, il a été tellement atteint dans ses autres facultés qu’il en est aussi devenu muet, et qu’il ne se connaît pas lui-même. S’il voulait parler de son intérieur, il ne pourrait pas le faire, ne sachant pas où il en est et ne connaissant pas sa propre manière d’être…
Qu’est-ce donc que ce chuchotement nuisible de l’Ennemi? C’est tout le désordre qu’il te fait voir sous son côté miroitant et qu’il te persuade d’accepter, en se servant de l’amour ou de la recherche des choses créées, de ce monde-ci et de tout ce qui s’y rattache : biens, honneurs, même amis et parents, voire ta propre nature, bref, tout ce que t’apporte le goût des biens de ce monde déchu. C’est de tout cela qu’est fait son chuchotement…
Vient alors Notre Seigneur : il met son doigt sacré dans l’oreille de l’homme, et de la salive sur sa langue, ce qui fait que l’homme retrouve la parole.
Il lève les yeux au ciel pour nous apprendre que c’est de là que les muets doivent attendre la parole, les sourds l’ouïe, et tous les malades leur guérison. Il gémit, non que ce gémissement fût nécessaire pour obtenir ce qu’il demandait à son Père, avec lequel il exauce lui-même toutes les prières, mais pour nous apprendre que c’est avec des gémissements qu’il faut implorer le secours de la miséricorde divine pour nos péchés ou pour les péchés des autres.
Cette parole : Ephphetha (c’est-à-dire ouvrez-vous) s’applique plus particulièrement aux oreilles, puisqu’il fallait les ouvrir pour les rendre capables d’entendre, tandis que la langue, pour recouvrer l’usage de la parole, devait voir tomber les liens qui la retenaient captive : « Et aussitôt ses oreilles s’ouvrirent, sa langue se délia, et il parlait distinctement ».
Nous voyons ici clairement les deux natures distinctes dans la seule personne de Jésus-Christ; il lève les yeux au ciel en tant qu’il est homme ; mais aussitôt d’un seul mot, auquel il communique une puissance toute divine, il rend à cet homme l’usage de l’ouïe et de la parole.
Ou bien encore, cet homme sourd-muet, c’est celui qui n’a point d’oreilles pour entendre les paroles de Dieu, ni l’usage de la langue pour les annoncer aux autres ; et ceux qui depuis longtemps ont appris à entendre et à parler ce langage divin doivent s’empresser d’amener ces infirmes au Seigneur pour qu’il les guérisse.