C comme…

C comme… croire et comprendre

Croire et comprendre

Tout homme veut comprendre; personne qui n’ait ce désir. Mais tous nous ne voulons pas croire. On me dit: je veux comprendre pour croire. Je réponds : Crois pour comprendre; voici donc une discussion qui s’élève entre nous et qui va porter tout entière sur ce point : « Je veux comprendre avant de croire», me dit l’adversaire; et moi je lui dis: «Crois d’abord et tu comprendras.» Pour trancher le débat, choisissons un juge; l’un et l’autre gardons-nous de présumer en notre faveur; et quel juge choisirons-nous? Parmi tous les hommes à qui je puis songer, je ne trouve pas de meilleur juge que l’homme que Dieu lui-même a choisi pour interprète. (…)
Prenons donc, pour diriger la controverse, le prophète lui-même. De quoi s’agissait-il? Tu disais: j’ai besoin de comprendre pour croire ; et moi : crois d’abord pour comprendre. La discussion est engagée; allons au juge; que le prophète prononce ou plutôt que Dieu prononce par son prophète. Gardons tous deux le silence. Il a entendu nos opinions contradictoires; je veux comprendre, dis-tu, pour croire; crois, ai-je dit, pour comprendre, et le prophète répond: «Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. » (Is. vu, 9.) (…)
Par conséquent, mes très chers frères, cet homme que j’ai pris comme adversaire et avec lequel j’ai engagé une discussion qui a été portée au tribunal du prophète, n’a pas tout à fait tort de vouloir comprendre avant de croire. Moi qui vous parle, en ce moment, si je parle, c’est pour amener aussi à la foi ceux qui ne croient pas encore. Donc, en un sens, cet homme a dit vrai quand il a dit: je veux comprendre pour croire; et moi également je suis dans le vrai quand j’affirme avec le prophète: crois d’abord pour comprendre. Nous disons vrai tous les deux; donnons-nous donc la main; comprends donc pour croire et crois pour comprendre; voici en peu de mots comment nous pouvons accepter l’un et l’autre ces deux maximes : comprends ma parole pour arriver à croire, et crois à la parole de Dieu pour arriver à la comprendre.

S. Augustin, Sermon 43, 4, 7, 91