
La croix
Nous devrions courir après la croix, comme l’avare court après l’argent.
Le Bon Dieu veut que nous ne perdions jamais de vue la croix; aussi, comme dans les campagnes, il la place partout le long de nos chemins.
La croix embrasse le monde; elle est plantée aux quatre coins de l’univers; il y en a un morceau pour tous.
Les croix, transportées dans les flammes de l’amour, sont comme un fagot d’épines que l’on jette au feu, et que le feu réduit en cendres. Les épines sont dures, mais les cendres sont douces.
Les épines suent le baume et la croix transpire la douceur. Mais il faut prendre les épines dans sa main et serrer la croix sur son cœur pour qu’elles distillent le suc que est en elles.
Les contradictions nous mettent au pied de la croix, et la croix à la porte du ciel.
Ne rougissons pas de la croix du Christ !
Celui-ci a été crucifié pour nos fautes – réellement –. Que si tu veux le nier, ce lieu illustre te confond, ce bienheureux Golgotha où justement nous voici rassemblés en raison de celui qui y fut crucifié. Ajoute que du bois de la croix divisé en fragments, toute la terre est désormais remplie. Or il a été crucifié non pas pour des fautes personnelles, mais afin que nous soyons délivrés, nous, de nos fautes à nous. Et il a été alors méprisé par les hommes, et, en tant qu’homme, souffleté ; mais il a été, en tant que Dieu, reconnu par la création : car le soleil, à la vue de son Maître outragé, s’éclipsa en tremblant, incapable de supporter ce spectacle. (…)
Ne rougissons pas de la croix du Christ ; même si un autre la cache, toi marque-la apparemment sur ton front afin que les démons à la vue de ce signe royal s’enfuient au loin, terrifiés. Trace ce signe au moment de manger et de boire, de t’asseoir, de te lever, de parler, de marcher, bref en toute action. Car celui qui a été crucifié ici, est en haut dans les cieux.
Si en effet, après sa crucifixion et son ensevelissement, il est resté dans la tombe, nous aurions à rougir ; bien au contraire, crucifié sur notre Golgotha, il s’est, de la montagne du Levant, du mont des Oliviers, élevé dans le ciel. En effet, descendu de notre terre aux enfers et remonté ensuite vers nous, il est monté encore de chez nous dans le ciel, tandis que le Père l’acclamait en disant : « Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis un escabeau sous tes pieds » (Ps 109,1).
La croix, source de joie
C’est à Dieu à détruire nos passions, il le fera quand il lui plaira ; mais c’est à moi à les réprimer et à les empêcher d’éclater et de m’entraîner au mal, où elles tâchent de me porter. Ces croix que vous n’aviez pas attendues, si vous voulez vous faire un peu de violence, seront suivies de consolations que vous n’auriez jamais espérées. Croyez-moi, elles viennent de la main de Dieu tout comme les autres grâces.
Aimer la Croix
Promettons-nous à Dieu d’aller chercher à l’avenir les plus rudes croix ? Non, chrétiens auditeurs, je n’ai garde de vous donner ce conseil ; cela est encore trop fort pour nous ; nous manquerions à notre parole, il ne faut rien promettre à l’oraison que nous ne puissions tenir, il faut songer que c’est à un Dieu que nous promettons…
Si je ne puis forcer mon cœur à aimer les croix, je l’obligerai du moins à aimer un peu moins le plaisir. Je m’en passerai souvent pour l’amour de vous, ô mon Dieu, et par là je me disposerai peut-être à recevoir de plus grands biens. Mon divin Jésus, bénissez nos résolutions, rendez-les efficaces.