
Prière de confiance
Dans la prière qui termine son sermon sur la confiance, le Père La Colombière nous laisse une admirable profession de foi. On y retrouve tous les thèmes évoqués dans ce chapitre : sentiments de fragilité, aveu d’inquiétudes humaines, douleur des péchés, mais surtout abandon, paix, confiance en une miséricorde qu’il sait sans limite… « Je vous espère de vous-même, ô mon Créateur ! »
Pour moi, mon Dieu, je suis si persuadé que vous veillez sur ceux qui espèrent en vous et qu’on ne peut manquer de rien, quand on attend de vous toutes choses, que j’ai résolu de vivre à l’avenir sans aucun souci et de me décharger sur vous de toutes mes inquiétudes : « En paix je me couche et m’endors aussitôt, car toi, Seigneur, tu me fais demeurer en sécurité ». Les hommes peuvent me dépouiller, et des biens, et de l’honneur ; les maladies peuvent m’ôter les forces et les moyens de vous servir ; je puis même perdre votre grâce par le péché ; mais jamais je ne perdrai mon espérance ; je la conserverai jusqu’au dernier moment de ma vie, et tous les démons de l’enfer feront à ce moment de vains efforts pour me l’arracher : « En paix, je me couche et m’endors ». Les autres peuvent attendre leur bonheur, ou de leurs richesses ou de leurs talents ; les autres s’appuient,
ou sur l’innocence de leur vie, ou sur la rigueur de leurs pénitences, ou sur le nombre de leurs aumônes, ou sur la ferveur de leurs prières : « Toi, Seigneur, tu me fais demeurer en sécurité ».
Pour moi, Seigneur, toute ma Confiance, c’est ma Confiance même. Cette Confiance ne trompa jamais personne : « Aucun de ceux qui espèrent en toi n’a été confondu ». Je suis donc assuré que je serai éternellement heureux, parce que j’espère fermement de l’être et que c’est de vous, ô mon Dieu, que je l’espère : « En toi, Seigneur, j’ai mis mon espérance, je ne serai pas confondu pour toujours ». Je connais, hélas ! Je ne le connais que trop, que je suis fragile et changeant ; je sais ce que peuvent les tentations contre les vertus les plus affermies ; j’ai vu tomber les astres du ciel et les colonnes du firmament. Mais tout cela ne peut m’effrayer tandis que j’espérerai ; je me tiens à couvert de tous les malheurs et je suis assuré d’espérer toujours parce que j’espère encore cette invariable espérance. Enfin, je suis sûr que je ne puis trop espérer en vous et que je ne puis avoir moins que ce que j’aurai espéré de vous. Ainsi j’espère que vous me tiendrez dans les penchants les plus rapides, que vous me soutiendrez contre les plus furieux assauts et que vous ferez triompher ma faiblesse de mes plus redoutables ennemis. J’espère que vous m’aimerez toujours et que je vous aimerai aussi sans relâche ; et, pour porter tout d’un coup mon espérance aussi loin qu’elle peut aller, je vous espère vous-même de vous-même, ô mon Créateur, et pour le temps, et pour l’éternité. Amen.