
L’esprit d’enfance
Il ne s‘agit pas pour nous de retourner aux jeux de l‘enfance, ni à ses commencements imparfaits. Il faut lui prendre ce quelque chose qui convient à l‘âge mûr ; que les émotions passent rapidement, et que le retour à la paix s‘accomplisse promptement ; et qu‘on ait aucune mémoire des offenses, aucun désir des dignités, qu‘on aime le vie commune, qu‘on trouve l‘égalité toute naturelle, car c‘est un grand bien que d‘ignorer l‘art de nuire, et de ne pas avoir de pensées méchantes. Car faire tort et rendre le tort subi, c‘est la prudence de ce monde ; mais ne rendre à personne le mal pour le mal, c‘est le propre de l‘enfance et de la justice chrétienne.
L’oubli de soi est très proche de l’esprit d’enfance…
Souvenez-vous seulement de sacrifier à votre bon Dieu votre propre volonté et votre jugement en toute simplicité, étouffant pour l’amour de lui toutes vos propres pensées et lumières, vivant comme un petit enfant qui ne sait pas discerner ce qui lui est propre. Croyez-moi, c’est là la victime que Notre Seigneur veut que vous lui immoliez. Ces paroles, qui sont dans l’Évangile, sont pour vous : « Si vous n’êtes fait comme un petit enfant, vous n’entrerez point au royaume des cieux ».
Esprit Saint, source de l’esprit d’enfance
Quand c’est le Saint Esprit qui nous possède, il nous inspire une simplicité d’enfant qui trouve tout bon et tout raisonnable, ou, si vous aimez mieux, une prudence divine qui découvre Dieu en toutes choses, qui le reconnaît en toutes les personnes et même en celles^ qui ont le moins de vertus et de qualités naturelles ou surnaturelles qui le représentent.
Ayant fait venir un enfant, il le plaça au milieu d’eux
Les disciples, voyant que le même impôt avait été payé également pour Pierre et pour le Sauveur, en conclurent que Pierre était placé au-dessus de tous les autres Apôtres. Jésus, voyant leurs pensées, voulut guérir ce désir de vaine gloire en leur proposant un combat tout d’humilité : « Et ayant appelé un petit enfant. »
Il veut ainsi montrer réunis en lui l’âge et le symbole de l’innocence. C’est lui-même qu’il place au milieu d’eux comme un petit enfant, lui qui n’était pas venu pour être servi, afin de leur donner un exemple frappant d’humilité. Il ne fait pas un précepte à ses disciples de reprendre l’âge des enfants, mais d’avoir leur innocence et d’atteindre par leurs efforts à ce que les enfants possèdent par le privilège de leur âge, c’est-à-dire d’être petits en malice et non en sagesse (1 Co 14). Voici le sens de ces paroles : Voyez cet enfant dont je vous propose l’exemple : il ne persévère pas dans sa colère, il oublie les injures, il ne met pas son plaisir dans la vue d’une belle femme, il ne parle pas autrement qu’il ne pense. Or, à moins d’avoir cette innocence et cette pureté d’âme, vous ne pourrez entrer dans le royaume des cieux.
Car c’est Jésus-Christ que l’on reçoit en recevant celui qui reproduit dans toute sa vie l’humilité et l’innocence du Sauveur. Mais de peur que les Apôtres ne s’attribuent d’eux-mêmes cet honneur qu’on pourra leur rendre, le Sauveur ajoute avec sagesse que ce n’est pas à cause de leur mérite, mais en considération de leur Maître qu’ils recevront cet honneur.