
Il y a quatre degrés sur l’échelle spirituelle de la lectio divina
« Un jour, pendant le travail manuel, je commençai à penser à l’exercice spirituel de l’homme, et tout à coup s’offrirent à la réflexion de mon esprit quatre degrés spirituels : lecture, méditation, prière, contemplation ».
« S’il est permis de s’exprimer ainsi, la lecture apporte une nourriture substantielle à la bouche, la méditation mâche et triture cet aliment, la prière obtient de goûter, la contemplation est la douceur même qui réjouit et refait. La lecture est dans l’écorce, la méditation dans la moelle, la prière dans l’expression du désir, la contemplation dans la jouissance de la douceur obtenue… ».
Guigues va alors proposer un exemple d’entrée progressive dans la lecture, dans la méditation, puis dans la prière jusqu’à la contemplation, à partir de la phrase :
« Bienheureux les cœurs purs car ils verront Dieu« . (Mt 5,8).
La lecture de saint Ambroise
Il m’était impossible de l’entretenir de ce que je voulais, comme je le voulais; une armée de gens nécessiteux me dérobait cette audience et cet entretien car il était le serviteur de leurs infirmités. S’ils lui laissaient quelques instants, il réconfortait son corps par les aliments nécessaires et son esprit par la lecture.
Quand il lisait, ses yeux couraient les pages dont son esprit perçait le sens; sa voix et sa langue se reposaient. Souvent en franchissant le seuil de sa porte, dont l’accès n’était jamais défendu, où l’on entrait sans être annoncé, je le trouvais lisant tout bas et jamais autrement. Je m’asseyais, et après être demeuré dans un long silence (qui eût osé troubler une attention si profonde ?) je me retirais, présumant qu’il lui serait importun d’être interrompu dans ces rapides instants, permis au délassement de son esprit fatigué du tumulte de tant d’affaires. Peut-être évitait-il une lecture à haute voix, de peur d’être surpris par un auditeur attentif em quelque passage obscur ou difficile, qui le contraignit à dépenser en éclaircissement ou en dispute, le temps destiné aux ouvrages dont il s’était proposé l’examen; et puis, la nécessité de ménager sa voix qui se brisait aisément, pouvait être encore une juste raison de lecture muette. Enfin, quelle que fût l’intention de cette habitude, elle ne pouvait être que bonne en un tel homme.
« Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? » (Ps 94,7)
Comment pouvons-nous discerner la voix de Dieu parmi les mille voix que nous entendons chaque jour dans notre monde ? Je dirais que Dieu nous parle de très nombreuses façons. Il nous parle au moyen d’autres personnes, à travers nos amis, nos parents, le curé, les prêtres… Il parle à travers les évènements de notre vie, dans lesquels nous pouvons discerner un geste de Dieu. Il parle également à travers la nature, la création, et il parle, naturellement et surtout, dans sa parole, dans l’Écriture sainte, lue dans la communion de l’Église et lue de manière personnelle en dialogue avec Dieu.
Il est important de lire l’Écriture sainte d’une façon très personnelle, d’une part, et réellement, comme le dit saint Paul (1Th 2,13), non pas comme la parole d’un homme ou un document du passé, comme si nous lisions Homère, Virgile, mais comme une parole de Dieu qui est toujours actuelle et qui me parle. Il est important d’apprendre à écouter un texte, historiquement du passé mais la parole vivante de Dieu, c’est-à-dire d’entrer en prière, et ainsi de faire de la lecture de l’Écriture sainte un entretien avec Dieu. Saint Augustin, dans ses homélies, dit souvent : « J’ai frappé plusieurs fois à la porte de cette parole, jusqu’à ce que je puisse entendre ce que Dieu me disait ». Il y a d’une part cette lecture très personnelle, cet entretien personnel avec Dieu, dans lequel je cherche ce que le Seigneur me dit. Mais en plus de cette lecture personnelle, il est très important d’effectuer une lecture communautaire, car le sujet vivant de l’Écriture sainte c’est le Peuple de Dieu, c’est l’Église.
La lectio divina
Il faut aussi vaquer à la lecture à certaines heures marquées. Car une lecture variée, faite au hasard et comme rencontrée par accident, en un lieu puis en un autre, n’édifie pas, mais rend l’esprit inconstant ; et, faite avec rapidité et sans application, elle s’échappe vite de la mémoire. Il faut s’attacher à certains esprits et accoutumer son âme à leur genre. Les saintes Ecritures veulent être lues dans l’esprit qui les a dictées. Jamais vous n’entrerez dans le sens de saint Paul, si, par la bonne intention qui vous le fera lire, et par l’application d’une méditation assidue, vous ne vous pénétrez point de son esprit. Comprendrez-vous David, si l’expérience elle-même ne vous a pas fait éprouver les impressions que redisent ses Psaumes ? Il en est ainsi des autres livres sacrés. Et pour toute l’Ecriture, entre l’étude et la lecture, il y a la même différence qui sépare l’amitié de l’hospitalité, une affection de connaissance, d’un salut échangé par hasard. De plus, il faut confier à la mémoire un passage du livre qu’on lit chaque jour, pour qu’elle le digère avec plus de facilité et le rumine plus souvent : une pensée plus en rapport avec notre genre de vie, capable de soutenir l’attention, qui fige l’esprit et l’empêche de se livrer à des pensées étrangères. Dans le cours de la lecture, il faut tirer d’affectueux élans, former une prière qui interrompe la lecture sans la suspendre et qui, chose préférable, rendent l’esprit plus pur et le mettent ainsi en état d’en mieux comprendre la suite.
La lecture sert et facilite l’intention. Si en lisant, l’âme cherche véritablement Dieu, tout ce qu’elle lit lui tourne à bien, le sens de celui qui parcourt le livre est captivé, et il soumet tout ce qu’il y trouve et comprend à l’obéissance due à Jésus-Christ…
… La première disposition pour lire les Ecritures doit être la crainte du Seigneur ; c’est sur elle que doit se baser l’intention qui la prend en main, c’est elle qui doit la diriger, elle aussi qui donnera le sens et l’intelligence de ce livre sacré.