
La miséricorde
Plus la conscience humaine, succombant à la sécularisation, oublie la signification même du mot de “miséricorde”, plus elle s’éloigne du mystère de la miséricorde en s’éloignant de Dieu, plus aussi l’Église a le droit et le devoir de faire appel au Dieu de la miséricorde “avec de grands cris” (Mt 15,23). Ces “grands cris” doivent être la caractéristique de l’Église de notre temps….
L’homme contemporain s’interroge souvent avec beaucoup d’anxiété sur la solution des terribles tensions qui se sont accumulées sur le monde et qui s’enchevêtrent chez les hommes. Et si parfois celui-ci n’a pas le courage de prononcer le mot de “miséricorde” ou si, dans sa conscience dépouillée de tout sens religieux, il n’en trouve pas l’équivalent, il est d’autant plus nécessaire que l’Église prononce ce mot, non seulement en son propre nom, mais aussi au nom de tous les hommes de notre temps. Il faut qu’elle le prononce en une ardente prière, en un cri qui implore la miséricorde selon les nécessités de l’homme dans le monde contemporain.
Que ce cri soit chargé de toute cette vérité concernant la miséricorde qui a trouvé une si riche expression dans l’Écriture Sainte et dans la Tradition, comme aussi dans l’authentique vie de foi de tant de générations du peuple de Dieu. Par un tel cri, comme les auteurs sacrés, faisons appel au Dieu qui ne peut mépriser rien de ce qu’il a créé, au Dieu qui est fidèle à lui-même à sa paternité, à son amour !
Le temps de la miséricorde
«Il aime la miséricorde et le jugement (Ps 32,5)». Aimez-les, puisque Dieu les aime. Appliquez-vous, mes frères. C’est maintenant le temps de la miséricorde, ensuite viendra celui du jugement. Pourquoi est-ce aujourd’hui celui de la miséricorde ? C’est que maintenant il appelle ceux qui se détournent de lui, et qu’il pardonne à ceux qui se tournent vers lui; c’est qu’il attend avec patience que les pécheurs se convertissent; c’est qu’après leur conversion il oublie le passé, il promet l’avenir, il stimule la lenteur, il console dans l’affliction, il enseigne ceux qui sont studieux, il vient en aide à ceux qui combattent : il n’abandonne aucun de ceux qui sont dans la peine et qui crient vers lui; il nous donne ce que nous devons lui offrir en sacrifice, et nous met en main de quoi l’apaiser. Qu’un temps si précieux de miséricorde ne passe point pour nous, ô mes frères, qu’il ne s’écoule point inutilement pour nous.
Confession et miséricorde
[« Judas fut pris de remords…; il rapporta les trente pièces d’argent aux chefs des prêtres et aux anciens, en disant : ‘ J’ai péché en livrant à la mort un innocent. ‘ Ils répliquèrent : ‘ Qu’est-ce que cela nous fait ? Cela te regarde. ‘ Jetant alors les pièces d’argent, il se retira et alla se pendre. » (Mt 27,3-5)
Sainte Catherine a entendu Dieu lui dire :] Le péché impardonnable, dans ce monde et dans l’autre, c’est celui de l’homme qui, en méprisant ma miséricorde, n’a pas voulu être pardonné. C’est pourquoi je le tiens pour le plus grave, et c’est pourquoi le désespoir de Judas m’a attristé plus moi-même et a été plus pénible à mon Fils que sa trahison. Les hommes donc seront condamnés pour ce faux jugement qui leur fait croire que leur péché est plus grand que ma miséricorde… Ils sont condamnés pour leur injustice quand ils se lamentent sur leur sort plus que sur l’offense qu’ils m’ont faite.
Car c’est alors qu’ils sont injustes : ils ne me rendent pas ce qui m’appartient à moi-même, et ils ne rendent pas à eux-mêmes ce qui leur appartient. À moi on doit l’amour, le regret de sa faute et la contrition ; ils doivent me les offrir à cause de leurs offenses, mais c’est le contraire qu’ils font. Ils n’ont d’amour et de compassion que pour eux-mêmes puisqu’ils ne savent que se lamenter sur les châtiments qui les attendent. Tu vois donc qu’ils commettent une injustice, et c’est pourquoi ils se découvrent doublement punis pour avoir méprisé ma miséricorde.
La source de miséricorde en Jésus
« Le Seigneur nous crie donc de nous approcher de lui, et de boire si nous avons soif, et il nous dit que, lorsque nous aurons bu, des fleuves d’eau vive jailliront de notre sein. Le sein intérieur de l’homme, c’est sa conscience, c’est le sanctuaire de son cœur – elle rencontrera la source, elle deviendra elle-même une source. Qu’est-ce que cette source, qu’est-ce que ce fleuve qui jaillit du sein de l’homme intérieur ? C’est cette bienveillance qui le porte à se rendre utile au prochain. – S’il s’empresse de faire du bien au prochain, la source, loin de tarir, coule en abondance. – La source ne s’éloigne de nous qu’autant que nous nous éloignons d’elle. »