P comme…

P comme… la patrie et la voie

LA PATRIE ET LA VOIE

Ceux qui voient la patrie de loin et depuis la montagne opposée de l’orgueil, rejettent l’humilité : c’est pourquoi ils ne suivent pas la voie. Car la voie est notre humilité. C’est elle que le Christ montra en lui-même. Si quelqu’un vient à s’écarter de cette voie, il s’engagera sur une montagne tortueuse et inextricable, où il s’interposera à la place du médiateur de façon funeste et trompeuse par d’innombrables rites sacrilèges aux haruspices, aux augures, aux devins, aux astrologues, aux sorciers. Ceux qui leur sont adonnés ne descendent pas vers la voie, mais s’égarent dans quelque montagne boisée, à partir de laquelle certains d’entre eux lèvent les yeux et voient la patrie, mais sans pouvoir y parvenir, parce qu’ils ne suivent pas la voie. En revanche, ceux qui suivent déjà la voie, c’est-à-dire le vrai chemin, celui qui purifie au lieu de souiller, ceux-là marchent avec persévérance sur la voie qu’ils suivent. Car, parmi eux aussi, certains voient la patrie, d’autres non. Mais que ceux qui ne voient pas encore la patrie ne s’écartent pas de la voie, et ils parviendront aussi là où sont parvenus ceux qui la voient. En effet, l’acuité du regard de certains est telle qu’ils peuvent voir de loin. À ceux-là, il ne sert à rien de voir où ils vont, tout en ignorant par quelle voie y parvenir. D’un autre côté, s’ils connaissent la voie, voir de loin où parvenir ne leur sert pas tant que de savoir où se diriger. Quant à ceux qui n’ont pas une telle acuité, qu’ils marchent pareillement et ils parviendront pareillement au terme […]. Dans le Christ, nous avons la créature corporelle qu’il a assumée aussi dans la chair ; en lui aussi la créature spirituelle.

S. Augustin, Sermon Dolbeau 26, 619