P comme…

P comme… péché

Définissons le péché

Définissons d’abord le péché, qui procède nécessairement de la volonté, comme nous l’atteste la loi divine elle-même gravée dans la nature humaine. Je dis donc que le péché est, à proprement parler, la volonté de conserver ou d’obtenir ce que la justice nous défend et ce dont il nous est libre de nous abstenir. Et en effet, s’il n’y avait pas de liberté, il n’y aurait pas de volonté. Cette définition du péché, je l’avoue, est plus grossière que scrupuleuse. Ai-je donc besoin de scruter tant de livres obscurs pour apprendre que personne ne peut être condamné ni au mépris ni au supplice, pour vouloir ce que la justice ne lui défend pas, ou pour ne pas faire ce qui ne lui est pas permis ? N’est-ce pas là ce que les bergers chantent sur les montagnes, les poètes dans les théâtres, les ignorants dans leurs cercles, les savants dans les bibliothèques, les maîtres dans les écoles, les évêques dans les temples et le genre humain sur la face du monde tout entier? Que si personne n’est digne ni de mépris ni de condamnation, pour ne pas faire ce que lui défend la justice, ou ce qu’il ne peut faire, tandis que tout péché est, par lui-même, digne de mépris et de condamnation, doutera-t-on encore qu’il y ait péché quand on veut ce qui est injuste et quand on est libre de ne pas le vouloir ? Voilà pourquoi je puis maintenant, et j’aurais toujours dû pouvoir donner du péché cette définition tout à la fois vraie et facile à saisir : le péché c’est la volonté de retenir ou d’acquérir ce que la justice défend, quand on est libre de s’en abstenir.

S. Augustin, Des deux âmes

Prendre garde aux péchés véniels

Pour vous accorder, éloignez-vous de ces détestables impuretés, des études détestables, des astrologues et des aruspices, des sorciers, des augures et des sacrilèges ; éloignez-vous aussi, autant que possible, des folies des spectacles. Si parfois les plaisirs du siècle se glissent dans votre âme, exercez-vous à la miséricorde, exercez-vous au jeûne, à la prière. On se purifie, par ces moyens, des péchés de chaque jour dont ne peut se défendre l’humaine fragilité. Ne méprise pas ces péchés parce qu’ils sont petits ; redoute-les parce qu’ils sont nombreux.
Soyez attentifs, mes frères. Ces péchés sont petits, ils ne sont pas graves. Tous les animaux n’ont pas la taille du lion, pour pouvoir égorger d’un coup de dent. Mais n’arrive-t-il pas souvent aux plus faibles insectes de donner la mort quand ils sont en grand nombre ? Qu’un homme soit jeté dans un lieu rempli de moustiques, n’y meurt-il pas ? Ces insectes sont faibles ; mais faible est aussi la nature humaine et elle peut succomber sous les atteintes de ces chétifs insectes. Ainsi en est-il des péchés légers. Vous dites qu’ils sont légers : songez qu’ils sont multipliés. Qu’y a-t-il de plus léger que les grains de sable? Jetez-en abondamment dans un navire, il coule à fond. Qu’y a-t-il de plus petit que les gouttes de pluie ? Néanmoins elles remplissent les fleuves et renversent nos demeures. Ne méprisez donc pas les péchés légers.
Vous direz : Qui peut en être préservé dans cette vie ? Il est vrai, personne ne peut en être exempt. Dieu toutefois t’interdit ce langage, car en considération de notre fragilité, il a, dans sa miséricorde, préparé des remèdes. Quels sont-ils? L’aumône, le jeûne, la prière : trois. Mais pour rendre sincère ta prière, tu dois faire de parfaites.aumônes. En quoi consistent les aumônes parfaites ? A donner de ton abondance à qui n’a pas ; à pardonner à qui te blesse.

S. Augustin, Sermon IX